Assurance complémentaire santé : tensions financières et perspectives
Un contexte budgétaire sous tension
L’année 2025 s’ouvre sur un constat préoccupant : la situation financière de l’Assurance Maladie s’est fortement dégradée en 2024, avec un déficit atteignant 13,8 milliards d’euros. Cette dégradation est principalement due aux dépenses engagées dans le cadre du Ségur de la Santé, qui représentent à elles seules près de 13 milliards d’euros.
Face à cette situation, le gouvernement a annoncé une série de mesures budgétaires dans son discours de politique générale de janvier 2025. Parmi celles-ci, une hausse de l’objectif national des dépenses d’assurance maladie (ONDAM) de 3,3 % pour 2025, ainsi qu’une augmentation de l’enveloppe hospitalière de 3,6 %, soit un milliard d’euros supplémentaires.
Mais pour financer ces efforts sans creuser davantage le déficit, l’exécutif a également décidé d’augmenter temporairement la Taxe de solidarité additionnelle (TSA), qui finance notamment la Complémentaire santé solidaire (CSS). Cette mesure vise à récupérer environ un milliard d’euros, mais elle fait peser une pression supplémentaire sur les organismes complémentaires santé.
Les organismes complémentaires en difficulté
Le rapport 2024 de la DREES sur la situation financière des organismes complémentaires santé dresse un tableau contrasté. Si les cotisations collectées ont légèrement progressé, les prestations reversées et les charges de gestion ont également augmenté, réduisant les marges de manœuvre. La rentabilité globale du secteur est en baisse, et certains acteurs peinent à maintenir leur solvabilité.
Le rapport souligne également une tendance à la hausse des cotisations, en particulier sur les contrats individuels. Cette évolution est justifiée par la hausse des dépenses de santé, mais elle soulève des inquiétudes quant à l’accessibilité financière de la complémentaire santé pour les assurés les plus modestes.
Une pression fiscale accrue et des critiques du secteur
L’augmentation de la TSA a été vivement critiquée par les représentants des mutuelles et des assureurs. Ces derniers dénoncent une fiscalité de plus en plus lourde sur un secteur qui joue pourtant un rôle essentiel dans l’accès aux soins. Selon eux, cette mesure risque d’entraîner une nouvelle vague de hausses de cotisations, voire une réduction des garanties proposées.
Certains acteurs appellent à une réforme structurelle du financement de la complémentaire santé, estimant que le modèle actuel atteint ses limites. Ils plaident pour une meilleure répartition des charges entre l’Assurance Maladie obligatoire et les complémentaires, ainsi qu’une clarification du rôle de chacun dans le parcours de soins.
Des inégalités d’accès qui se creusent
L’un des effets les plus préoccupants de cette situation est l’aggravation des inégalités d’accès à la complémentaire santé. Malgré l’existence de dispositifs comme la CSS, une part non négligeable de la population reste sans couverture complémentaire, faute de moyens ou par méconnaissance des aides disponibles.
Les associations de patients et les acteurs du secteur social alertent sur les conséquences de cette exclusion : renoncement aux soins, retards de diagnostic, aggravation des pathologies chroniques. Ils appellent à renforcer les dispositifs d’accompagnement et à simplifier les démarches d’accès à la CSS.
Vers une réforme du modèle ?
Face à ces tensions, plusieurs pistes de réforme sont évoquées dans les cercles politiques et économiques. Parmi elles :
– La création d’un « panier de soins universel », pris en charge à 100 % par l’Assurance Maladie, pour les soins essentiels (médecine générale, hospitalisation, médicaments courants).
– La mise en place d’un contrat complémentaire santé standardisé, à tarif régulé, pour garantir un socle de garanties accessibles à tous.
– Une meilleure régulation des contrats collectifs, qui bénéficient aujourd’hui d’avantages fiscaux importants mais ne couvrent pas les retraités ni les chômeurs.
Ces propositions suscitent des débats, notamment sur leur coût et leur faisabilité. Mais elles témoignent d’une prise de conscience croissante : le système actuel, fondé sur une complémentarité entre public et privé, montre des signes d’essoufflement.
Une vigilance accrue sur la transparence et la qualité des contrats
Dans ce contexte, les autorités de régulation (ACPR, DGCCRF) renforcent leur vigilance sur la transparence des contrats et la qualité de l’information fournie aux assurés. Des contrôles sont menés pour s’assurer que les garanties sont clairement présentées, que les exclusions sont explicites, et que les comparateurs en ligne respectent les règles de déontologie.
Les professionnels du secteur sont également appelés à renforcer la formation de leurs équipes, notamment sur les obligations issues de la directive DDA (Distribution d’assurances), afin de garantir un conseil adapté aux besoins des assurés.
La première moitié de l’année 2025 aura été marquée par une tension croissante autour du financement de l’assurance complémentaire santé. Entre déficit public, pression fiscale, hausse des cotisations et inégalités d’accès, le modèle actuel semble à bout de souffle. Si des ajustements ponctuels ont été apportés, une réforme plus profonde semble inévitable pour garantir la pérennité et l’équité du système.